UN Nations Unies
 
Bureau Régional pour l’Afrique de l’Ouest

Défendre les droits de l’homme pendant la pandémie de COVID-19

4 juin 2020
Défendre les droits de l'homme pendant la pandémie de COVID-19©
Marlene Urscheler explique comment la pandémie de COVID-19 a changé son quotidien de travail et celui du Bureau régional du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme pour l’Afrique de l’Ouest.

Plus de 6 200 personnes atteintes de la COVID-19 ont été recensées en Afrique de l’Ouest. La famille des Nations Unies dans la région s’est unie pour appuyer les réponses des gouvernements à la pandémie.

Tous les pays de la région ont signalé des cas et, au cours des dernières semaines, plusieurs d’entre eux ont recensé des pics d’infection, ainsi que des cas dans la communauté. Alors que la pandémie de COVID-19 menace les systèmes de santé des pays à revenu élevé, pourtant solides, l’inquiétude monte en Afrique de l’Ouest, où les systèmes sanitaires, politiques et économiques de la plupart des pays doivent également faire face à leurs faiblesses existantes pour réagir efficacement à la pandémie.

Marlene Urscheler dirige l’équipe d’intervention d’urgence du Bureau régional du HCDH pour l’Afrique de l’Ouest basé à Dakar, au Sénégal. Elle a récemment été désignée comme point de contact du HCDH pour les questions liées à la COVID-19 dans la région.

Dans cet épisode des Voix du terrain, Marlene Urscheler explique comment la pandémie de COVID-19 a changé son quotidien de travail.

Comment la COVID-19 a-t-elle affecté votre travail ?

La COVID-19 a complètement changé notre façon de travailler. Tout d’abord, pour ce qui est de ne pas se rendre au bureau, de travailler chez soi, de devoir gérer l’apprentissage à distance des enfants à la maison et de jongler avec les priorités de travail de nos conjoints. En tant que bureau régional, nous sommes responsables de 16 pays de la région. Normalement, nous passons la moitié de notre temps à voyager dans la région pour renforcer nos contacts avec les partenaires et les autorités gouvernementales, et à organiser conjointement des ateliers et des activités. D’un jour à l’autre, tout cela est tombé à l’eau. Aucun d’entre nous ne s’attendait vraiment à cela et je pense que nous avons été pris de court, et nous avons donc dû nous adapter.

J’ai rapidement reçu des tâches directement liées aux mesures prises par le Bureau régional pour lutter contre la COVID-19. Cela implique de participer à la coordination des efforts sur une plateforme régionale des Nations Unies et de la société civile dirigée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et codirigée par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Cette plateforme sert à partager des informations et, grâce à sa structure à six piliers, à fournir un soutien et des conseils sur les différents aspects de la lutte contre la pandémie. Pour l’un des piliers, nous essayons de trouver ensemble un moyen d’évaluer les principaux problèmes des pays de la région – et lesquels devraient être traités en priorité – et d’appliquer des critères objectifs à cet égard.

Tous les efforts que nous avons investis dans le développement de nos plans de travail pendant des mois ont été anéantis et nous sommes plus ou moins repartis à zéro. Nous avons dû revoir les plans de travail de nos projets et nos activités régulières, car les priorités et les possibilités de mise en œuvre ont changé. Nous avons réaffecté des ressources pour atteindre ces objectifs adaptés. Nous pouvons modifier certains événements, mais nous devons également mesurer la volonté et les possibilités de nos partenaires en matière de collaboration virtuelle. Nous devons aussi nous demander : est-ce que nous obtiendrons les mêmes résultats ? Lorsque nous organisons des séminaires de trois ou quatre jours, les participants mentionnent souvent l’importance de pouvoir établir des réseaux pendant les pauses. Lors d’une réunion virtuelle, les possibilités ne sont pas les mêmes.

À cause la pandémie, nous entrons dans une nouvelle phase qui implique une plus grande collaboration avec des acteurs humanitaires avec lesquels nous n’avions souvent pas de contacts aussi étroits auparavant. Nous avons constaté qu’il est plus facile de nous impliquer dans des domaines où nous avons déjà des contacts et des partenariats sur lesquels nous pouvons nous appuyer.

Que fait le Bureau régional pour protéger les droits de la population pendant cette pandémie ?

Le rôle du HCDH est de protéger les droits de chacun et, dans le contexte de la pandémie, une attention particulière est accordée aux groupes de personnes dont le droit à la santé est le plus menacé. Prenons l’exemple des personnes handicapées : comment pouvons-nous nous assurer qu’elles ont accès aux soins de santé et aux contrôles réguliers dont elles ont besoin durant le confinement ? Cependant, notre travail va bien au-delà du droit à la santé. Par exemple, nous devons réfléchir à la manière dont nous pouvons veiller à ce que la question de la violence sexuelle et sexiste soit prise en compte, car malheureusement, elle devient plus répandue dans les situations de confinement. Ce ne sont que deux exemples parmi tant d’autres, mais nous devons identifier les groupes les plus vulnérables et essayer de les défendre, de faire entendre leur voix et de les représenter afin de garantir que personne ne soit laissé pour compte. Je pense que c’est le rôle que le Bureau régional doit jouer.

Je pense qu’il faut aussi accorder une grande importance à la prévention, que nous devons aller au-delà de l’immédiat et que nous devons nous préparer à la suite. Nous sommes dans une région où les crises humanitaires et les conflits sont présents dans tant de pays, entre la crise migratoire, les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, l’extrémisme violent… Tout cela donne naissance à des préoccupations complètement différentes dans le contexte d’une pandémie. Il est difficile d’évaluer l’ampleur du ralentissement économique à venir et dans quelle mesure il affectera certains groupes de personnes en particulier. L’économie informelle constitue une grande partie des économies d’Afrique de l’Ouest. Les confinements, les couvre-feux et les crises économiques générales ont affecté de manière disproportionnée la main-d’œuvre dans l’économie informelle, où il n’existe aucune forme de sécurité sociale, comme les allocations chômage. Nous devons trouver un moyen d’adapter les mesures d’intervention de manière à ce qu’elles ne laissent pas encore une fois les plus vulnérables de côté, ceux qui sont toujours laissés pour compte ; et que le développement, la sécurité et la santé ne profitent pas seulement à ceux qui sont déjà dans une meilleure situation.

Le PAM (Programme alimentaire mondial) et la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) ont récemment rédigé des rapports prévisionnels sur l’insécurité alimentaire au cours des trois ou six prochains mois dans la région ; les chiffres qu’ils ont présentés sont très préoccupants. Les restrictions imposées sur les déplacements rendent l’accès à l’aide humanitaire très difficile pour les biens et les personnes.

Lors de votre travail de suivi régulier de la situation des droits de l’homme, avez-vous constaté d’autres aggravations et vous attendez-vous à voir apparaître de nouveaux problèmes liés à la pandémie ?

La question de la détention est un domaine que nous examinons. Dans la région, de nombreux lieux de détention font face à d’énormes problèmes de surpopulation, en particulier dans les prisons, et la propagation du virus a été identifiée très tôt comme l’un des risques pour les personnes en détention dans de telles situations d’insalubrité. Le HCDH a appuyé plusieurs processus visant à accorder des grâces présidentielles ou à faire libérer de nombreux détenus, ce qui, à mon avis, est une mesure très positive prise par de nombreux gouvernements. Nous espérions que le problème de la surpopulation carcérale soit soulevé de toute façon, mais la pandémie de COVID-19 a permis de montrer que la surpopulation pouvait devenir un risque pour les gouvernements, car s’ils ne libèrent pas ces personnes maintenant, ils pourraient faire face à une crise beaucoup plus grave.

Pour l’instant, presque tous les droits de l’homme sont affectés d’une manière ou d’une autre par la COVID-19 et tant de problèmes méritent et nécessitent notre attention. Nous sommes extrêmement sollicités, mais nous devons faire le choix stratégique de nous impliquer dans des domaines où nous avons des contacts préétablis, où nous avons déjà des partenariats solides et où nous savons que nous pouvons contribuer à quelque chose qui autrement serait négligé.