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Bureau Régional pour l’Afrique de l’Ouest

Entretien avec Andrea Ori - Magazine UNOWAS N°13

Entretien avec Andrea Ori - Magazine UNOWAS N°13©

Vous êtes le directeur régional du Bureau régional de la Commission des
droits de l’homme des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest (WARO),
pouvez-vous nous en dire plus sur le rôle de votre bureau ?

Le Bureau régional de la Commission des droits de l’homme des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest (BRAO), créé en 2008, est la principale agence des Nations unies chargée de la protection et de la promotion des droits de l’homme en Afrique de l’Ouest. Le bureau a consolidé son expertise et son savoir-faire dans le domaine de la promotion, de la protection et de l’intégration des droits de l’homme dans les programmes et activités des Nations unies. Les perspectives et les questions relatives aux droits de l’homme ont été formulées grâce à un partenariat consolidé avec les agences et les fonds des Nations unies, aux niveaux national et régional.

Sur le plan stratégique, le rôle du bureau fait partie de la réponse, plus large, que la communauté internationale et les Nations unies ont élaboré pour répondre aux défis régionaux auxquels sont confrontés les pays d’Afrique de l’Ouest. BRAO et ses partenaires ont mis en place de nouveaux mécanismes et adopté de nouvelles politiques pour agir sur la nature transfrontalière de nombreuses préoccupations politiques, sécuritaires, humanitaires, environnementales et technologiques, ainsi que sur les droits de l’homme. Cela va guider le travail du bureau régional avec la communauté internationale pour l’année prochaine.

Une tâche qui n’est pas facile compte tenu de la multiplicité des défis,
notamment avec la menace permanente de la pandémie de coronavirus ?

La sous-région de l’Afrique de l’Ouest comprend 15 États, avec une population de près de 400 millions de personnes sur une superficie d’environ 5 millions de km². Les changements les plus considérables survenus dans la région au cours des quatre dernières années concernent les transitions démocratiques, principalement au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et en Gambie. Malgré certains progrès dans l’espace démocratique dans ces pays, l’année dernière, il y a eu quelques régressions sur le plan humanitaire et sur celui de la paix et de la sécurité au Burkina Faso, avec des conséquences possibles sur les pays côtiers tels que le Togo, le Bénin et la Côte d’Ivoire. En outre, les pays d’Afrique de l’Ouest continuent de faire face à des défis
liés aux besoins économiques, sociaux et au changement climatique. L’impact négatif de la pandémie de la COVID 19 sur les économies de la région érode les progrès réalisés pour améliorer les droits économiques, sociaux et culturels, la justice transitionnelle, l’impunité, l’inégalité ainsi que le changement climatique.

Vous avez dit à juste titre : “que l’impact négatif de la pandémie de
Covid-19 sur les économies de la région érode les progrès réalisés
pour améliorer droits économiques, sociaux et culturels, la justice
transitionnelle, l’impunité, l’inégalité ainsi que le changement
climatique”. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui a été réalisé dans
ce domaine- et quel est le soutien concret de votre bureau ?

La région a connu quelques progrès en matière d’égalité des genres et de la participation égale des hommes et des femmes dans les organes politiques, décisionnels et législatifs, ainsi qu’aux postes clés de l’État dans toute la sous-région. En février 2017, les ministres de la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont adopté quatre documents clés pour faire progresser l’intégration du genre et l’inclusion des femmes dans les processus politiques, de paix et de sécurité. Cependant, les femmes continuent d’être confrontées à la discrimination, et la violence sexiste est encore très répandue, ce qui explique l’adoption, le mois dernier, par les chefs d’État et de gouvernement de la région d’une Déclaration sur la tolérance zéro à l’égard de la violence sexuelle et sexiste et l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles en tout temps et en toutes circonstances au sein de la région de la CEDEAO.

En termes d’action concrète, au niveau régional, BRAO a soutenu des initiatives visant à harmoniser la législation nationale avec les normes internationales des droits de l’homme, en particulier sur les droits des femmes et des personnes. Très peu de temps après le déclenchement de la pandémie sur le continent, notre bureau, qui préside le groupe thématique régional des Nations Unies sur le genre, a partagé des idées et des recommandations clées sur la manière dont le COVID 19 pourrait avoir un impact sur la situation des femmes et des minorités sexuelles afin d’éclairer la prise de décision à cet égard. Avec l’assistance technique de WARO, plusieurs législations nationales ont été réformées afin de se conformer aux instruments internationaux et régionaux ratifiés pour protéger les droits des femmes et promouvoir l’égalité des sexes. De nombreux États d’Afrique de l’Ouest sont signataires de conventions et de traités internationaux et régionaux.

La pandémie COVID 19 a une fois de plus remis en cause certains des progrès réalisés, en particulier, le caractère central de l’obtention de données précises sur cette question s’est avéré crucial. Pour répondre à ce besoin, WARO a développé un projet avec l’UNICEF et ONUFEMMES pour évaluer l’impact de la pandémie dans une perspective de genre dans plusieurs pays de la région tels que le Sénégal, la Guinée, la Côte d’Ivoire ou le Sierra Leone. En 2021, le Bureau entend poursuivre ce travail et soutenir la réalisation d’enquêtes supplémentaires et d’analyses complémentaires destinées à soutenir la prise de décision de tous les acteurs.

En 2021, l’accent sera mis sur la compréhension de la manière dont la pandémie a affecté leur travail et sur le soutien à la participation des femmes, en particulier des femmes défenseurs des droits de l’homme. En ce qui concerne les personnes qui ont déjà été victimes de violations généralisées et systématiques de leurs droits dans plusieurs pays, BRAO continuera à soutenir la documentation de leurs cas afin d’informer des plaidoyers innovants, de renforcer les capacités de leurs organisations, et de faciliter l’échange avec d’autres acteurs clés tels que les titulaires de mandat des procédures spéciales et les partenaires bilatéraux.

Selon divers rapports, la situation des enfants dans la sous-région est
également préoccupante. Quelle est votre évaluation et quelles sont
les mesures prises par votre bureau pour résoudre ce problème ?

La situation des enfants dans la région reste préoccupante, car les ariages précoces, les diverses formes d’exploitation, y compris la mendicité forcée, le travail des enfants et les pratiques traditionnelles affectant leur santé continuent d’avoir lieu. En réponse, la CEDEAO a adopté en 2017 une stratégie pour la protection des droits de l’enfant en Afrique de l’Ouest.

Grâce à son soutien apporté aux gouvernements dans le renforcement des cadres juridiques et institutionnels nationaux relatifs aux droits de l’enfant, le bureau a pu se positionner comme un partenaire essentiel dans la promotion et la protection des droits de l’enfant en Afrique de l’Ouest. En ce sens, la mise en œuvre du Projet d’appui à la protection des enfants victimes de violations de leurs droits, soutenu financièrement par l’Agence italienne de coopération au développement, contribuera
de manière significative à la promotion et à la protection des droits de l’enfant. La pandémie du COVID 19 a mis en évidence le plaidoyer des enfants négligés, en particulier ceux qui vivent dans la rue ou dans des “daaras” (écoles dites coraniques qui les accueillent dans des conditions insalubres) sans aucune protection ni soins. C’est dans ce contexte que BRAO, en partenariat avec la CEDEAO, a proposé aux gouvernements de six pays soutenus par le projet (Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Niger et Sénégal). WARO a soutenu la prise en charge sanitaire et psycho-sociale, mais aussi le retour et la réinsertion des enfants dans leurs familles d’origine.

Quels sont les activités et projets clés que votre bureau envisage
d’entreprendre en 2021 pour aider à relever les multiples défis ?

En ce qui concerne le programme de renforcement des capacités des organes de traités, le Bureau régional poursuivra ses engagements visant à aider les Etats membres à se conformer à leurs obligations en matière de mise en œuvre des instruments des droits de l’homme et de présentation de rapports aux mécanismes des droits de l’homme, ainsi qu’à améliorer leurs capacités à coopérer avec ces mécanismes.

Cela contribuera à soutenir les progrès réalisés dans la mise en place des Mécanismes nationaux d’élaboration des rapports et de suivi dans tous les pays de la région. Les efforts du Bureau régional viseront en particulier à résorber les retards dans l’établissement des rapports au titre des Droits économiques, sociaux et culturels (DSEC), de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC). BRAO continuera également à soutenir les engagements des États dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU) pour le Togo, le Niger et la Sierra Leone, en préparant le terrain pour l’année suivante pour le Bénin et le Ghana.

Le Bureau régional a contribué de manière significative à la création et au renforcement des institutions nationales des droits de l’homme (INDH) afin d’améliorer les systèmes de protection nationaux et de renforcer le suivi et la protection contre les violations des droits de l’homme, en mettant particulièrement l’accent sur les droits des femmes. Le soutien du bureau aux membres du réseau des INDH continuera à améliorer leur efficacité et à les aider à aligner leurs statuts sur les Principes de Paris sur les INDH. Le bureau a déjà mis en place un projet conjointement avec l’ONUDC, soutenu financièrement par le Royaume des Pays-Bas pour renforcer la capacité des États membres de la région à protéger les droits des migrants.

Le projet PROMIS encourage une réponse basée sur les droits de l’homme au trafic de migrants et s’attaque aux violations des droits de l’homme liées à la migration irrégulière en Afrique de l’Ouest. En 2021, PROMIS vise à consolider ses réalisations dans les pays cibles (Sénégal, Mali, Niger, Côte d’Ivoire, Gambie) et passera à la phase suivante (phase 3) qui débutera dans le courant de l’année pour une durée de 4 ans. WARO poursuivra le travail en cours dans les pays cibles qui s’étendra avec des activités supplémentaires au Burkina Faso, au Tchad et au Nigeria. L’accent sera mis sur le renforcement des capacités des autorités nationales, des Organisations de la Société Civile (OSC) et des autres parties prenantes pour avoir une approche de la migration sensible au genre. Une attention particulière sera accordée aux droits socio-économiques des migrants et aux implications de la crise de Covid-19 sur les droits des migrants.

En outre, concernant la question frontalière des personnes en déplacement, un nouveau projet sera mis en œuvre en étroite collaboration avec le siège, afin d’aborder le lien entre les droits de l’homme, la migration et le changement climatique dans la région du Sahel. Le projet CLIMIS promeut une approche des défis migratoires posés par le changement climatique fondée sur les droits et tenant compte de l’égalité des sexes. Le projet contribue à la mise en œuvre des SDG, le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (GCM), entre autres.
Le Bureau renforcera également son engagement auprès des jeunes, en particulier des jeunes défenseurs des droits de l’homme. Dans le cadre d’un projet sur les jeunes et les femmes défenseurs des droits de l’homme, le Bureau continuera son engagement pour que leur voix soit entendue dans les efforts visant à construire une société plus juste et plus respectueuse des droits de tous dans l’ère post-COVID.