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Bureau Régional pour l’Afrique de l’Ouest

Le personnel du HCDH en Afrique de l’Ouest aide les enfants des rues à retrouver leur famille durant la COVID-19

4 juin 2020
Le personnel du HCDH en Afrique de l'Ouest aide les enfants des rues à retrouver leur famille durant la COVID-19©
Aminata Kebe nous explique comment elle et ses collègues, du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme, continuent de lutter pour les droits des enfants de la rue pendant la pandémie de COVID-19.

Aminata Kebe, spécialiste des droits de l’homme au Bureau régional du HCDH pour l’Afrique de l’Ouest, est à la tête des efforts menés par le Bureau pour protéger les droits des enfants qui se livrent à la mendicité dans les rues de nombreux pays de la région.

Beaucoup de ces enfants sont inscrits dans des écoles coraniques, également appelées daaras, où ils sont forcés par leurs maîtres de mendier dans les rues, comme signe d’allégeance et pour contribuer à leurs frais. Cette pratique vieille de plusieurs siècles a soulevé des préoccupations concernant les droits de ces enfants qui, loin de leur famille, sont souvent soumis à des violences physiques et psychologiques, et dont le droit à l’éducation est perdu au détriment d’heures entières passées dans la rue.

Selon les centres africains pour le contrôle et la prévention des maladies, 12 991 personnes sont infectées par la COVID-19 en Afrique de l’Ouest. Plus ces enfants passent de temps dans la rue, plus ils risquent de contracter le coronavirus.

Dans cet épisode des Voix du terrain, Aminata nous explique comment elle et ses collègues continuent de lutter pour les droits de ces enfants pendant la pandémie.

Comment la COVID-19 a-t-elle affecté votre travail ?

La COVID-19 a affecté mon travail à plusieurs niveaux. Tout d’abord, j’ai dû revoir mon plan de travail en reprogrammant un certain nombre d’actions prioritaires qui n’étaient plus faisables en raison des mesures limitant les mouvements et les rassemblements.

En outre, le télétravail peut être difficile lorsque les partenaires avec lesquels nous travaillons ne se sont pas encore adaptés à cette nouvelle méthode de travail et continuent de nous solliciter pour mener des activités sur le terrain. Par exemple, nous aidons le gouvernement à retirer les enfants de la rue et à retrouver leur famille, et en tant que représentante du bureau dans l’unité de surveillance mise en place à cette fin, les partenaires qui souhaitent continuer à organiser des réunions en face à face ne comprennent pas toujours mon absence en raison des mesures d’éloignement physique.

De plus, travailler à domicile n’est pas toujours facile lorsque des enfants sont présents et que nous devons nous occuper d’eux et les accompagner dans leurs études.

Que fait votre bureau pour protéger les droits de la population pendant cette épidémie ?

Le Bureau régional du HCDH pour l’Afrique de l’Ouest (BRAO) effectue un suivi complet de la situation des droits de l’homme dans la région dans le cadre de la pandémie de COVID-19. Dès le début de la pandémie, notre Représentant régional a saisi le Ministre chargé des droits de l’homme et le Ministre chargé des questions de genre et de la protection des enfants pour attirer leur attention sur le respect des droits de l’homme durant la mise en place de mesures d’urgence, en particulier pour les groupes vulnérables tels que les prisonniers, les femmes, les personnes handicapées et les enfants.

Il les a encouragés à prendre des mesures spécifiques pour assurer leur accès aux droits fondamentaux dans ce contexte, en particulier concernant la santé procréative des femmes, qui ne devrait pas être mise en suspens. Il leur a également demandé de continuer de surveiller et de prévenir la violence fondée sur le genre, qui peut augmenter dans un contexte de confinement, et de veiller à ce que les données recueillies soient ventilées au moins par âge et par sexe.

En ce qui concerne les droits de l’enfant, le BRAO, en partenariat avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, soutient les stratégies nationales de protection des enfants vulnérables contre la COVID-19 dans six pays de l’Afrique de l’Ouest : la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger et le Sénégal. En l’espace de deux mois, plus de 1 500 enfants ont été retirés de la rue et ont réintégré leur famille. Nous leur avons également fourni 1 200 kits dignité comprenant des vêtements, des articles de toilette, des chaussures, des serviettes et des sacs de voyage.

Quels sont les principaux enjeux liés aux droits de l’homme dans le cadre de la lutte contre la COVID-19 dans votre région ?

L’un des principaux défis est la protection des droits de l’enfant. En Afrique de l’Ouest, en particulier au Sénégal, la mendicité des enfants est répandue, en particulier pour ceux qui fréquentent certaines écoles coraniques. Dans le contexte de la pandémie, les enfants sont plus que jamais exposés à la contamination, tandis que la violation de leurs droits est encore plus exacerbée. Nos partenaires de la société civile qui ont suivi la situation sur le terrain ont trouvé des enfants affamés vivant dans des conditions inhumaines sans eau ni assainissement au Sénégal.

En Gambie, des enfants ont simplement été abandonnés dans les rues par leurs marabouts, des hommes censés leur enseigner le Coran. De nombreux enfants ont été transférés au Niger de pays voisins et abandonnés à la frontière du pays. L’ORAO a donc accru son soutien grâce à son projet pour la protection des enfants victimes de violations des droits (PAPEV), qui est financé par l’Agence italienne pour la coopération au développement pour soutenir les enfants vulnérables.

Nous continuons également de préconiser, avec d’autres parties prenantes clés comme l’UNICEF, l’adoption d’une solution durable par les gouvernements pour protéger les droits de ces enfants, et cela nécessite une forte volonté politique.

Quels ont été les principaux défis et leçons tirées jusqu’à présent pendant la pandémie ?

Les gouvernements manquent de stratégies de gestion des urgences et c’est un véritable défi que la communauté internationale doit relever pour rendre les États plus résilients. La promotion des droits économiques et socioculturels, en particulier le droit à la santé, doit également avoir une place plus importante dans nos interventions, qui se concentrent davantage sur les droits civils et politiques.

La pandémie nous a enfin montré l’importance des droits économiques et socioculturels sur d’autres droits et la nécessité de mieux soutenir les États dans leurs efforts pour assurer l’accès à ces droits. 

Pourquoi est-il important de défendre ensemble les droits de l’homme pendant cette pandémie ?
L’importance de défendre les droits de l’homme est devenue plus qu’évidente et pertinente dans le contexte de la pandémie. Nous avons vu comment les individus ont aidé à lutter contre la COVID-19 en faisant preuve de solidarité pour s’aider les uns les autres. Cette pandémie nous a montré comment les inégalités sociales peuvent être exacerbées pendant les crises et comment les droits fondamentaux, souvent considérés comme acquis, peuvent être remis en question.

Il est important pour le HCDH de poursuivre ses efforts afin d’aider les États à mettre en œuvre leurs engagements en faveur de la réalisation des droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, surtout en période de crise.